La Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU) représente aujourd’hui l’une des formes juridiques les plus prisées par les entrepreneurs français souhaitant créer une entreprise en solo. Cette structure hybride, combinant la flexibilité d’une société par actions avec la simplicité d’une structure unipersonnelle, offre des avantages considérables en matière de protection patrimoniale et de développement économique. Avec plus de 65% des créations de sociétés en France optant pour le statut SAS ou SASU, cette forme juridique s’impose comme la référence pour les projets entrepreneuriaux ambitieux nécessitant une structure évolutive et professionnelle.
Définition juridique et statut légal de la SASU selon le code de commerce français
La SASU trouve son fondement juridique dans les articles L227-1 et suivants du Code de commerce français. Cette forme sociale constitue juridiquement une Société par Actions Simplifiée ne comptant qu’un seul et unique associé. Contrairement aux idées reçues, l’acronyme SASU ne signifie pas « Société Anonyme Simplifiée Unipersonnelle » mais bien « Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle ».
Le législateur a créé ce statut pour permettre aux entrepreneurs de bénéficier de la souplesse caractéristique des SAS tout en conservant la simplicité de fonctionnement d’une structure unipersonnelle. La SASU appartient à la famille des sociétés de capitaux, au même titre que la société anonyme, mais avec des règles de constitution et de fonctionnement considérablement allégées.
Cette forme juridique présente une particularité unique : elle peut exercer la quasi-totalité des activités économiques, à l’exception notable de certains secteurs strictement réglementés. Les activités d’assurance, les débits de tabac, ainsi que certaines professions libérales réglementées demeurent exclues du champ d’application de la SASU. Cette polyvalence explique en partie le succès croissant de cette structure auprès des créateurs d’entreprise.
La SASU offre une flexibilité statutaire inégalée, permettant à l’associé unique de définir librement les règles d’organisation et de fonctionnement de sa société, dans le respect du cadre légal minimal imposé par le Code de commerce.
Structure capitalistique et régime des associés uniques en SASU
Capital social minimum et modalités de libération des apports
La législation française ne fixe aucun montant minimum pour le capital social d’une SASU. Théoriquement, il est possible de constituer une SASU avec un capital symbolique d’un euro. Cette liberté permet aux entrepreneurs de démarrer leur activité sans contrainte financière majeure, contrairement à d’autres formes sociales plus rigides.
Le capital social peut être constitué par des apports en numéraire (sommes d’argent) et des apports en nature (biens mobiliers ou immobiliers, fonds de commerce, brevets, véhicules). La libération des apports suit des règles spécifiques : au moins la moitié des apports en numéraire doit être versée lors de la constitution, le solde devant être libéré dans un délai maximal de cinq ans suivant l’immatriculation.
Droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux de l’associé unique
L’associé unique d’une SASU bénéficie de l’intégralité des droits attachés aux actions qu’il détient. Ces droits se décomposent en droits patrimoniaux et droits extrapatrimoniaux. Les droits patrimoniaux comprennent le droit aux dividendes lors des distributions de bénéfices et le droit au boni de liquidation en cas de dissolution de la société.
Les droits extrapatrimoniaux englobent le droit de vote lors des décisions collectives, le droit à l’information sur la gestion sociale, et le droit de contrôle de l’activité de la société. L’associé unique peut également effectuer des apports en compte courant d’associé, permettant de financer ponctuellement les besoins de trésorerie de la société contre rémunération.
Responsabilité limitée aux apports et protection du patrimoine personnel
Le principe fondamental de la responsabilité limitée constitue l’un des avantages majeurs de la SASU. L’associé unique ne peut être tenu responsable des dettes sociales qu’à concurrence du montant de ses apports au capital social. Cette protection patrimoniale crée une séparation étanche entre le patrimoine personnel de l’entrepreneur et le patrimoine professionnel de la société.
Cette limitation de responsabilité connaît toutefois certaines exceptions. En cas de fautes de gestion caractérisées commises par l’associé unique lorsqu’il occupe également les fonctions de président, sa responsabilité personnelle peut être engagée. De même, les créanciers peuvent exceptionnellement poursuivre l’associé sur son patrimoine personnel en cas de confusion de patrimoine avérée ou de sous-capitalisation manifeste de la société.
Transmission et cession des actions en SASU monoassociée
La transmission des actions d’une SASU présente des avantages fiscaux et juridiques considérables. L’associé unique peut librement céder ses titres sans avoir à recueillir l’agrément d’autres associés, contrairement aux sociétés pluripersonnelles. Les cessions d’actions sont soumises à un droit d’enregistrement favorable de 0,1% du prix de cession, contre 3% pour les parts sociales d’EURL après abattement.
La transmission peut s’effectuer de son vivant ou dans le cadre d’une succession. Les statuts peuvent prévoir des clauses spécifiques d’inaliénabilité temporaire ou des mécanismes d’évaluation des actions pour faciliter les opérations futures de transmission. L’arrivée d’un nouvel associé transforme automatiquement la SASU en SAS, sans nécessiter de formalités particulières de transformation.
Gouvernance et organes dirigeants : président de SASU et assemblées
Nomination et révocation du président de SASU par l’associé unique
La SASU doit obligatoirement être dirigée par un président, seul organe de direction imposé par la loi. Ce président peut être l’associé unique lui-même ou un tiers désigné à cette fonction. Il peut s’agir d’une personne physique ou d’une personne morale, offrant ainsi une grande souplesse dans l’organisation de la gouvernance.
La nomination du premier président s’effectue directement dans les statuts constitutifs de la société. Les modifications ultérieures de président nécessitent une décision de l’associé unique et une modification statutaire correspondante. La révocation du président peut intervenir à tout moment, avec ou sans motif, selon les modalités définies dans les statuts.
Pouvoirs et responsabilités civile et pénale du dirigeant
Le président de SASU dispose des pouvoirs les plus étendus pour représenter la société dans ses rapports avec les tiers. Il engage la société par ses actes et décisions prises dans l’intérêt social. Ces prérogatives comprennent la signature des contrats commerciaux, l’embauche de salariés, la réalisation d’opérations bancaires, et plus généralement tous les actes nécessaires à l’activité sociale.
La responsabilité du président s’exerce à deux niveaux distincts. Sa responsabilité civile peut être engagée en cas de faute de gestion causant un préjudice à la société, aux associés ou aux tiers. Sa responsabilité pénale peut être mise en cause en cas d’infractions commises dans l’exercice de ses fonctions, notamment en matière de droit du travail, de droit fiscal ou de droit commercial. Cette double responsabilité impose au dirigeant une gestion rigoureuse et respectueuse de la réglementation.
Décisions collectives et assemblées générales en SASU
Le fonctionnement décisionnel de la SASU se caractérise par sa simplicité. L’associé unique exerce l’intégralité des pouvoirs normalement dévolus à l’assemblée générale des associés dans une SAS classique. Il prend ses décisions sous forme de décisions unilatérales, sans contrainte de convocation, de quorum ou de majorité.
Ces décisions doivent être consignées dans un registre spécial tenu au siège social de la société. Ce registre, coté et paraphé par les autorités compétentes, constitue la mémoire juridique des décisions prises par l’associé unique. L’absence ou la mauvaise tenue de ce registre peut entraîner l’annulation des décisions concernées à la demande de toute personne justifiant d’un intérêt légitime.
Commissaire aux comptes et contrôle légal des comptes
La nomination d’un commissaire aux comptes n’est obligatoire en SASU que dans des cas spécifiques définis par la réglementation. Cette obligation s’impose lorsque la société dépasse deux des trois seuils suivants à la clôture d’un exercice : un total de bilan supérieur à 5 millions d’euros, un chiffre d’affaires hors taxes excédant 10 millions d’euros, ou un effectif moyen dépassant 50 salariés permanents.
En dehors de ces seuils, l’associé unique peut volontairement désigner un commissaire aux comptes pour renforcer la crédibilité financière de sa société. Cette démarche peut s’avérer particulièrement utile dans le cadre de recherches de financement ou lors de négociations commerciales importantes avec des partenaires exigeant des garanties sur la transparence comptable de l’entreprise.
Régime fiscal de la SASU : IS, dividendes et plus-values
Imposition des bénéfices à l’impôt sur les sociétés au taux normal
La SASU relève automatiquement du régime de l’impôt sur les sociétés (IS). Les bénéfices sont imposés au niveau de la société selon un barème progressif : 15% sur la première tranche de bénéfices jusqu’à 42 500 euros (sous conditions de détention et de chiffre d’affaires), puis 25% au-delà. Ce taux réduit s’applique aux sociétés dont le capital est entièrement libéré et détenu à au moins 75% par des personnes physiques, avec un chiffre d’affaires n’excédant pas 10 millions d’euros.
L’IS présente l’avantage de permettre la déduction de la rémunération du président du résultat imposable, réduisant ainsi la base taxable. Cette optimisation fiscale peut s’avérer particulièrement intéressante pour les entrepreneurs générant des bénéfices conséquents, permettant un arbitrage intelligent entre rémunération et distribution de dividendes.
Fiscalité des distributions de dividendes et prélèvement forfaitaire unique
Les dividendes perçus par l’associé unique sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30%, également appelé « flat tax ». Ce taux se décompose en 12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux. L’associé peut toutefois opter pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu si cette solution s’avère plus favorable compte tenu de sa situation personnelle.
Un avantage fiscal notable des dividendes en SASU réside dans l’absence de cotisations sociales sur ces distributions, contrairement au régime applicable en EURL. Cette caractéristique permet d’optimiser la rémunération globale de l’entrepreneur en combinant judicieusement salaire et dividendes selon ses besoins de protection sociale et d’optimisation fiscale.
Option pour l’impôt sur le revenu et régime des sociétés de personnes
Sous certaines conditions strictes, la SASU peut opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes, entraînant une imposition directe des bénéfices au nom de l’associé unique. Cette option, limitée à cinq exercices consécutifs et non renouvelable, s’adresse aux jeunes sociétés créées depuis moins de cinq ans, employant moins de 50 salariés et réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros.
L’option pour l’IR peut présenter un intérêt en cas de déficit initial, permettant d’imputer les pertes sur les revenus personnels de l’associé. Inversement, en cas de bénéfices importants et de tranche marginale d’imposition élevée, le régime de l’IS peut s’avérer plus avantageux. Cette décision stratégique nécessite une analyse fine de la situation fiscale personnelle et des perspectives de développement de l’entreprise.
TVA et obligations déclaratives de la SASU
En matière de TVA, la SASU suit les règles communes à toutes les sociétés commerciales. Selon son chiffre d’affaires et la nature de son activité, elle relève du régime simplifié, du régime normal ou du régime de la franchise en base. Les seuils et modalités déclaratives dépendent du secteur d’activité : 188 700 euros pour les activités de vente de marchandises et 77 700 euros pour les prestations de services en 2024.
Les obligations déclaratives comprennent le dépôt annuel de la déclaration de résultat (formulaire 2065) dans les trois mois suivant la clôture de l’exercice, ou au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai pour les exercices clos au 31 décembre. Ces formalités s’accompagnent du versement des acomptes d’IS et du solde définitif selon un calendrier précis déterminé par l’administration fiscale.
Protection sociale du dirigeant et statut TNS en SASU
Le président de SASU bénéficie d’un statut social particulièrement avantageux : celui d’assimilé salarié. Cette qualification lui ouvre droit au régime général de la Sécurité sociale, offrant une protection équivalente à celle des salariés cadres du secteur privé. Contrairement aux travailleurs non salariés (TNS), le dirigeant de SASU cotise et bénéficie de l’ensemble des prestations du régime général, à l’exception notable de l’assurance chômage.
Cette protection sociale étendue se traduit par une couverture maladie-maternité complète, incluant les indemnités journalières en cas d’arrêt de travail, une assurance invalidité-décès, et une retraite de base et complé
mentaire par l’affiliation aux caisses de retraite Agirc-Arrco. Le montant des cotisations sociales s’élève à environ 45% de la rémunération brute, incluant les parts patronales et salariales.
Cette protection sociale renforcée présente cependant un coût non négligeable pour la société. Les cotisations sociales élevées peuvent représenter un frein pour les entrepreneurs souhaitant se verser une rémunération importante dans les premières années d’activité. Néanmoins, le statut d’assimilé salarié permet de valider des trimestres de retraite et d’acquérir des droits sociaux équivalents à ceux d’un salarié classique.
Une particularité intéressante du statut de président de SASU concerne le maintien des allocations de retour à l’emploi (ARE). L’entrepreneur peut continuer à percevoir ses indemnités chômage s’il ne se verse aucune rémunération au titre de son mandat social. Cette possibilité offre une sécurité financière appréciable lors du lancement de l’activité, permettant de lisser les revenus durant la phase critique de démarrage de l’entreprise.
Formalités de création et obligations comptables de la SASU
La création d’une SASU nécessite l’accomplissement de formalités administratives spécifiques et rigoureuses. La première étape consiste en la rédaction des statuts, document fondamental qui définit les règles de fonctionnement de la société. Cette rédaction requiert une attention particulière car la grande liberté offerte par le statut SASU rend cette étape complexe pour les non-juristes. Il est fortement recommandé de faire appel à un professionnel du droit pour éviter les écueils juridiques.
Les formalités de constitution comprennent ensuite le dépôt du capital social auprès d’un établissement bancaire, d’un notaire ou de la Caisse des dépôts et consignations. L’établissement dépositaire délivre une attestation de dépôt indispensable pour la suite des démarches. Parallèlement, la publication d’un avis de constitution dans un journal d’annonces légales du département du siège social constitue une obligation légale, avec un coût variant entre 141 et 165 euros HT selon les départements.
L’immatriculation de la société s’effectue désormais exclusivement par voie dématérialisée via le guichet unique géré par l’INPI. Ce portail centralisé simplifie les démarches en permettant de déposer l’ensemble du dossier de création en une seule fois. Les pièces requises incluent les statuts signés, l’attestation de dépôt de capital, l’attestation de parution de l’annonce légale, les pièces d’identité et attestations du président, ainsi que la déclaration des bénéficiaires effectifs.
En matière comptable, la SASU doit tenir une comptabilité d’engagement complète, comprenant un livre-journal, un grand livre et un livre d’inventaire. Cette obligation implique l’enregistrement chronologique de toutes les opérations affectant le patrimoine de la société. À la clôture de chaque exercice, l’établissement des comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe) s’impose, accompagné de leur approbation par l’associé unique et de leur dépôt au greffe du tribunal de commerce dans un délai d’un mois.
Les obligations comptables peuvent être allégées lorsque l’associé unique assure également la présidence de la société. Dans ce cas, la dispense d’établissement du rapport de gestion s’applique si deux des trois seuils suivants ne sont pas dépassés : 7,5 millions d’euros de total de bilan, 15 millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxes, et 50 salariés permanents en moyenne. Cette simplification administrative constitue un avantage appréciable pour les petites structures ne nécessitant pas un formalisme comptable complet.
La gestion administrative courante d’une SASU implique également le respect d’échéances fiscales régulières, la tenue à jour des registres légaux, et la déclaration annuelle des bénéficiaires effectifs. Ces obligations, bien que contraignantes, garantissent la transparence et la crédibilité de la structure auprès des partenaires commerciaux et financiers. L’entrepreneur doit également anticiper les évolutions réglementaires et adapter sa gestion en conséquence pour maintenir la conformité juridique de sa société.